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Still life is beautiful

Invité
Still life is beautiful Icon_minitimeVen 1 Juil - 10:48

Kaede

♘ Still life is beautiful
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« Ouch... »

    Elle retient sa respiration et s'arrête dans sa marche, laissant tomber son sac et sa liasse de papiers sur l'asphalte. Elle a mal, terriblement mal du côté gauche de sa cage thoracique. Cela la surprend, elle est comme, prise au dépourvu. C'est comme si on venait la poignarder à de multiples reprises au même endroit, comme si on venait écraser son poumon et, par la même occasion, son cœur.  Elle rit, contre toute attente, serrant fermement sa chemise dans sa main frêle. Sa respiration s'écourte. Elle se sent oppressée. Mais elle fait mine de rien.

« Mince alors... Cela ne fait pas si mal et pourtant... »

    Ses rires nerveux redoublent. Elle angoisse, au fond d'elle.

    Elle pose un genou à terre, pensant pouvoir apaiser sa douleur thoracique et reprendre une fréquence respiratoire normale. Il fait nuit, il fait sombre. Personne aux alentours. Cela la rassure d'un côté, d'un autre elle se dit que si elle refait un malaise, ce serait dommage que personne ne soit là pour appeler les pompiers. En effet, cela fait bien longtemps qu'elle connaît ce genre de problème. Ses parents n'en ont aucune connaissance. Ni Shirley, d'ailleurs. Elle est bonne menteuse. Seuls ses anciens camarades de lycée et ses professeurs de sport savent qu'elle fait des malaises. Elle a réussi à convaincre tout le monde de ne rien dire à qui que  ce soit, mais visiblement, cette année, son problème s'est aggravé, et elle ne pourra pas emporter son secret dans la tombe. Ça ne l'étonne pas, cela fait des années qu'elle n'a pas vu de médecin pour recevoir un traitement. Cela fait des années qu'elle prétend faire de simples anémies. Cela fait des années qu'elle fait mine que rien n'affecte sa santé. Au fond d'elle, elle sait qu'elle a un problème, et pas un petit.

    Néanmoins, cela doit faire deux ou trois mois, qu'elle rencontre ces douleurs thoraciques irrégulières, ces vertiges et ces palpitations cardiaques. Il arrive même qu'elle ait des périodes de dyspnée. Chose qui ne l'effraye pas particulièrement, elle est habituée à avoir mal, à avoir des difficultés respiratoires, à avoir le tournis. En revanche, tout cela semble s'être amplifié, avec le temps. Le stress, peut-être.
    Elle appuie son poing contre son côté gauche, sa respiration s'accélérant encore. Elle n'a plus la force de rire, son visage se tire sous la souffrance, sa peau bleuit, l'insuffisance respiratoire l'inquiète.

    Elle entend du bruit, derrière elle. Les battements de son cœur accélèrent brusquement, derechef. Oh non, non, personne ne doit la voir dans cet état. Elle se lève, un peu trop vite, essayant de ramener toutes ses feuilles à elle. Son foie la fait souffrir en même temps que ses poumons, mais elle n'en a cure pour le moment. Absolument personne, que ce soit un individu quelconque sans aucun lien avec elle ou une connaissance, ne doit constater sa faiblesse physique subite. Elle attrape son sac dans la volée et appuie sur ses jambes pour se lever. Elle réprime un gémissement de douleur, se mettant à sourire et à marcher joyeusement dans la rue, se dirigeant vers son appartement. Elle souffre, souffre terriblement, mais elle peut faire semblant d'aller bien. Elle est comédienne et professeure de théâtre. C'est dans ses cordes. Et sa volonté, sans faille, la portera. Elle est certaine de pouvoir arriver chez elle sans attirer l'attention. Même si son visage, en général si vivant, est d'une pâleur cadavérique. Elle s'efforce de marcher droit, de regarder devant elle, d'étirer joliment la commissure de ses lèvres. Car faire semblant, c'est sa plus grande qualité. Elle est capable de marcher, de courir et de taper du pied sur scène, avec une entorse. Car elle est comédienne. La douleur ne peut donc l'arrêter, elle est impuissante face à elle. Elle n'est qu'un misérable moucheron, par rapport à son obstination. Et pourtant.

« Mademoiselle ? »

    On entend le son d'une chute. Une chute violente, et la dispersion de centaines de feuilles sur l'asphalte sur lequel on crache.
    Aussi étonnant que cela puisse sembler, la professeure de théâtre aux cheveux blancs trop longs, a senti des vertiges s'emparer de son corps. Elle s'est forcée, s'est forcée de marcher droit, et a écrasé son propre pied. Elle n'a pas vu la chose venir, mais elle est brutalement tombée sur le côté. Sa tête a cogné le mur d'un appartement. Elle ne perd cependant pas connaissance tout de suite. Elle n'a rien senti, sur le moment, et elle s'est redressée comme si de rien n'était, s'asseyant sur ses genoux. Un homme accourt en entendant le bruit inquiétant de la chute, tandis qu'elle parcourt la scène du regard. Elle voit du rouge s'écraser sur la scène 5 de sa pièce favorite, sa vue se brouille, se teinte du même rouge que celui qui se mêle au blanc des pages qu'elle a photocopié à maintes reprises pour ses élèves adorés. Que vient-il de se passer ?

« Qu'est-ce que... »

    Elle passe une main sur sa tête, se demandant pourquoi cette partie est liquide, froide. La démange. Elle la regarde ensuite, et voit du sang frais colorer ses doigts bleus, fins et longs. Elle écarquille les yeux, stupéfaite, elle voit double et son corps s'alourdit,  chancelle. Elle retombe sur le bitume noir, ses cheveux blanc immaculé croisant le chemin de la boue, son visage d'une pâleur extrême s'égratignant.

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« Où suis-je... ? »

    Une salle blanche, équipée d'une machine ECG, d'un sac de transfusion, d'un lit, d'une chaise, d'une table de chevet et d'un vase vide. Tout semble stérilisé. L'odeur est désagréable. L'atmosphère est morose, triste. Bien que la pièce est illuminée par le soleil, à l'extérieur, l'intérieur paraît si sombre.

    Kaede est vêtue d'une robe d'hôpital blanche, légère. Elle est à moitié nue en-dessous, la sensation est désagréable et familière à la fois. Mais au moins, elle est propre. Ses cheveux ne sont pas couverts de boue, et son visage est pansé. Tout comme sa tête est bandée et qu'une aiguille est plantée dans son bras, la reliant ainsi au sac de transfusion. Son corps est aussi relié à la machine ECG. Elle soupire, exaspérée. Terriblement. Elle déteste les hôpitaux, comme la plupart des gens bien sûr.

« Je suis donc à l'hôpital. »

    Elle se redresse difficilement, appuyant sur ses bras de toutes ses forces. Elle est si faible, c'est hallucinant. Elle a soudainement mal au poumon gauche, et elle grimace de douleur, appuyant sa main sur sa poitrine avec force. Elle regarde du coin de l’œil son électrocardiogramme : tachycardie, retard droit, et bien d'autres signes apparaissent. C'est inquiétant, et elle sent son souffle se raccourcir de nouveau. Elle n'a jamais eu de problèmes de ce genre deux fois d'affilé. Cela l'angoisse. Son pouls s'accélère, sa tension diminue considérablement...

    Une infirmière entre alors et, voyant Kaede faire une crise, accourt et demande à ce qu'on appelle le médecin en charge. Elle redresse notre professeure, l'adossant au coussin, tandis qu'une autre arrive avec un sac en papier. Elle lui demande de respirer dedans, de se détendre, et de lui tenir la main. Ce qu'elle fait docilement, les larmes lui montant aux yeux.

« Je suis pathétique. »

    Ses souffles sont courts, rapides, se coupent parfois dans sa gorge. Sa poitrine se gonfle, mais il lui semble que l'un de ses poumons ne se remplit pas assez, c'est pourquoi sa respiration est si... Insuffisante. C'est parfois douloureux, mais plus vite que prévu, elle parvient à se maîtriser et à respirer normalement. Le médecin arrive alors en courant, paniqué, accompagné d'un assistant menu d'un dossier. Ils ont l'air très inquiet. Kaede commence à se dire que ce n'est pas bon signe. Son cas est-il grave ? Tout de même pas, après tout, elle s'est seulement cognée la tête, et puis... Elle a seulement un peu mal au poumon, rien de plus... Sauf si cela est vraiment grave.

    Au fond d'elle, elle sait que c'est grave. Elle refuse de l'avouer, car, elle ne veut pas que sa santé soit une entrave à son travail, à sa passion. Pourtant, cela risque bien d'être le cas. Qu'elle le veuille ou non.

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« Vous n'avez aucun traumatisme crânien, et vous n'avez rien à craindre par rapport à votre blessure. Toutefois, votre foie est anormalement volumineux, vos veines sont saillantes et votre ECG est très caractéristique. »

    Kaede s'attendait au pire, ce matin, mais pas à cela. Elle craint avoir ce à quoi elle pense. Elle sourit finement. D'une certaine façon, elle se sent libérée du doute, un poids s'échappe de son cœur, le nœud de son estomac se dénoue. Elle est presque certaine d'avoir une embolie pulmonaire, ce qui ne l'étonne pas plus que cela. Un antécédent en a déjà eu une, donc pourquoi pas elle dont la santé est si fragile ? Elle a beau être soulagée, elle est également soucieuse. Que va-t-il advenir des jours à venir ?

    Le médecin est étonné de la voir sourire. Il n'a encore rien dit, pourquoi sourit-elle ? Et d'ailleurs, quelle est la raison de son soulagement ? Il ne lui demande pas, il suppose que ce serait indiscret de sa part, mais il se doute qu'elle sait déjà ce qu'il va répondre. Il regarde son assistant, qui remplace la poche de transfusion presque vide de notre amie, et pense que c'est le moment de lui dire.

« Il est probable que vous ayez une embolie pulmonaire. Avez-vous déjà fait des opérations, auparavant ? Avez-vous des insuffisances respiratoires et cardiaques ? Ou savez-vous si vous avez des troubles de coagulation sanguine, dû à des troubles héréditaires ? »

    Kaede se met à réfléchir. Elle est certaines d'avoir des insuffisances respiratoires et cardiaques, et il est probable qu'elle ait de mauvais gênes héréditaires. A-t-elle déjà eu à faire des opérations avant ? Non, il ne lui semble pas. Peut-être quand elle était petite, elle avait une malformation du pied, après tout. Elle allait souvent chez le kiné.

« Je pense dire oui à toutes vos questions. »

    L'assistant regarde le médecin avec inquiétude. Kaede n'aime pas cela. Elle n'aime pas voir de tels regards sur le visage d'autrui. Elle a l'impression de leur causer du mal, alors qu'ils ne devraient pas se sentir ainsi. Pas pour une femme telle qu'elle. Car après tout, c'est son rôle de se soucier de son prochain, pas d'inquiéter les autres.

« Aeris-san, pour confirmer le diagnostique, nous devons procéder à une scintigraphie pulmonaire, afin de mettre en évidence la présence d'un caillot dans l'un de vos poumons. »

    Kaede hoche la tête, ne cessant de sourire. Pour elle, le résultat est évident. Mais pour les aider à affirmer leur thèse, elle perdra son temps à faire une scintigraphie, et restera allongée, pendant 15 ou 30 minutes, à respirer comme elle le fait d'habitude.

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« Pourquoi vous entêter à partir de l'hôpital ? Si nous ne traitons pas le caillot le plus vite possible, votre cas s'aggravera et nous devrons procéder à une opération chirurgicale dans le pire des cas. »

    Elle ne cesse de sourire finement, avec une douceur infinie, assise sur son lit d'hôpital tandis que les fleurs de cerisier, à l'extérieur, virevoltent librement dans le vent. Ils semblent lui dire de courir, de faire ce qui lui semble bon, de galoper sur terre et d'être libre. Elle joint ses mains et entremêlent ses doigts dans les siens, regardant le médecin avec assurance et détermination. Celui-ci fronce les sourcils, soucieux, la commissure de ses lèvres tirant vers le bas. Il a l'air désespéré, impuissant, mais il insiste :


« Vous risquez de mourir, si vous laissez le problème tel qu'il est. »

    Elle clos ses paupières, son expression restant de marbre, et tourne la tête en direction de la fenêtre pour regarder le beau paysage s'étant peint devant elle.


« Je sais que je peux aussi quitter l'hôpital et suivre un traitement, qui anéantira le caillot dans mon poumon gauche.
Certes, mais vous avez des problèmes respiratoires. Et il est de mon devoir de vous administrer de l'oxygène régulièrement.
Le manque d'oxygène n'est pas un problème. J'ai toujours eu des problèmes respiratoires, et j'ai survécu.
Raison de plus pour vous garder à l'hôpital. »

    L'hôpital. Hors de question qu'elle y reste. Elle regarde l'assistant et le médecin, l'air décidé sur son visage. Elle secoue négativement la tête, gardant un calme incroyable.

« Ma décision est prise, je sortirai. Je suivrai un traitement et si mon cas s'aggrave, je procéderai à une opération. »

    Elle ne compte pas être enfermée de nouveau. Aujourd'hui, elle peut sortir comme bon lui semble, faire plaisir aux autres, venir en aide à qui le veut, être un soutient pour ceux qui en ont besoin, enseigner sa passion à des enfants, donner tout son amour à ceux-ci, s'acharner au travail comme elle l'a toujours rêvé, découvrir le monde et ses conventions... Elle ne veut pas non plus que l'on sache qu'elle a des problèmes de santé. Plutôt mourir que de faire savoir à son entourage qu'elle a un caillot dans le poumon gauche. Elle ? Stupide ? Obstinée, surtout. Et trop fière. Elle doit paraître forte. Elle doit être forte. Et c'est en faisant mine d'être en bonne santé qu'elle fera bonne figure devant les gens, qui pourraient vouloir se reposer sur elle. S'ils venaient à savoir qu'elle est faible, son monde s'écroulera, et l'image de la femme forte qu'ils avaient pour elle auparavant ne reviendra jamais. Ils s'inquiéteront pour elle, l'aideront à marcher, l'aideront à manger, l'aideront à se tenir debout... Elle ne veut pas de ce mode de vie. Et tant qu'à ne pas vivre longtemps, autant qu'elle vive à sa manière. Autant qu'elle vive comme elle veut que sa vie soit. Autant être une femme forte jusqu'au bout, aux yeux des autres. De cette manière, ils ne l'oublieront jamais.

« Si votre maladie s'aggrave, vous risquez d'en mourir. »

    Mourir. Ce mot résonne dans sa tête comme une incantation. Elle réprime un rictus. Cela l'effraye. La peur d'oublier ce qu'elle a vécu après la mort, de ne plus avoir la possibilité de voir ceux qu'elle aime, d'être séparée d'eux à jamais. Cependant, il y a bien longtemps qu'elle est prête. Prête à vivre, pour mourir.

« Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis forte, et j'ai une volonté d'acier ! », affirme-t-elle, un large sourire sur son visage pâle.

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« O-onee-chan... Vous allez bien ? »

    Kaede a trébuché sur une marche, en montant les escaliers de l'hôpital. Elle comptait aller sur le toit, pour prendre l'air, mais visiblement, ses membres font encore des siennes. Son poumon et son foie ne lui font plus mal, elle a pris des antidouleurs plus tôt. En revanche, les antidouleurs ne lui permettront pas d'ignorer le bleu qu'elle vient de se faire au genou droit. Elle relève la tête et souffle, exaspérée, mais en se redressant, elle se met à rire à gorge déployée, tout de même amusée par sa propre maladresse. Elle regarde la petite fille devant elle, qui semble inquiète de l'état de la professeure. Kaede suppose qu'elle doit avoir près de 10 ans, au vue de sa corpulence. Celle-ci tient un archet et un violon pour débutant dans les mains. Elle n'a pas de cheveux, sa peau est pâle, et elle est d'une maigreur inquiétante. Kaede l'observe un moment, un couteau dans le cœur. A-t-elle eu une chimiothérapie, récemment ? Son cœur se serre davantage. Les chimiothérapies ne soignent jamais vraiment les malades. Ils détruisent toutes les cellules et affaiblissent le système immunitaire. Elle est triste, triste pour cette enfant. Elle ne montre toutefois aucun signe de pitié. Si elle vient à le faire, elle attristera peut-être la petite fille. Elle lui sourit donc, gentiment, hochant vivement la tête.

« Très bien, merci. Que fais-tu ici ? Il fait froid, dehors, tu sais ? Et il fait déjà nuit. »

    Kaede se lève et s'époussette le pantalon. On lui a offert un pyjama, pour qu'elle puisse sortir sans attraper froid. Et elle doit avouer qu'il est vraiment mignon. Même s'il est un peu petit pour elle.

    La petite fille rougit et tire nerveusement sur sa robe blanche, le regard fuyant. Kaede songe qu'elle est peut-être timide, et trouve cela adorable. Elle réprime un petit rire.

« J-je... Je voulais faire du violon, sur le toit... Je ne peux pas en faire dans ma chambre...
Aimes-tu en jouer ?
— Oui, beaucoup... »

    La voix de la petite fille est basse, presque inaudible aux oreilles de la professeure qui doit faire des efforts pour l'entendre. Mais elle fait fi de cela, et pousse la porte, qui s'ouvre sur le toit, sur lequel on tend le linge. Elle laisse la fille en question passer devant elle, avant de la suivre et de refermer la porte derrière elle.

« Oh, il fait frais. Fais attention à ne pas attraper froid.
Oui.
En fais-tu depuis longtemps ? Du violon.
Depuis un an mais... Je ne fais pas de jolis sons. »

    Kaede voit un voile de déception couvrir son visage d'enfant. Cela lui compresse le cœur. Elle n'a jamais aimé voir une enfant montrer une telle expression, qui plus est sincère. Elle sourit, pour la rassurer, et tapote gentiment son épaule pour l'encourager.

« Tu en feras, ne t'inquiète pas. Tout vient à point à qui sait attendre, comme on dit. Moi-même, petite, je faisais des sons vraiment horribles, stridents  comme on ne peut pas. Je suppose que j'ai dû faire pleurer mon violon des centaines de fois, à force de maltraiter ses cordes... »

    Elle rit tristement, regardant le ciel étoilé avec nostalgie. Elle se remémore les cours de violon de son enfance, et retient un rictus. Elle était vraiment mauvaise, en ce temps-là.

« Je me suis entraînée dans le but de le faire sourire, dans le futur, et je pense qu'aujourd'hui, je m'y prends plutôt bien. »

    Elle regarde la petite fille du coin de l’œil, joviale, tentant de donner du courage à celle-ci. Elle lui sourit de toutes ses dents, chaleureusement, et voit cette dernière esquisser un petit sourire ; elle est sûrement plus à l'aise.

« Pouvez-vous me montrer ? La façon dont vous jouez. »

    Kaede est assez surprise, au départ, par une telle demande. Elle ne sait que dire, exactement. Cela fait un moment qu'elle n'a pas touché à un si petit violon, elle est habituée au sien et elle a peur d'offrir un mauvais jeu à cette enfant. Mais si elle refuse, elle risque de la décevoir. Et ses yeux sont remplis d'une admiration si innocente. Elle ne peut pas dire non. Elle observe un long moment le violon et l'archet qu'on lui tend, et hoche la tête, avant de les prendre et de se mettre debout.

« Très bien, mais je ne te garantis rien d'extraordinaire.
Oui ! »

    Elle semble ravie. Quel soulagement.

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    Kaede rentre chez elle dimanche soir, habillée comme le vendredi soir où elle est tombée. Elle a des antidouleurs dans son sac, des anticoagulants, une seringue, de la vitamine K, une ventoline, et du fer pour son anémie. Elle doit en prendre tous les jours et doit fréquemment faire des prises de sang à l'hôpital, pour que le médecin puisse adapter les doses de l'anticoagulant en fonction des résultats obtenus.

    Kaede déteste marcher seule dans les rues sombres. Cela lui rappelle de mauvais souvenirs, même si elle réussit à y faire face par moment. Elle pense alors à la petite fille qu'elle a laissé seule à l'hôpital. Elle se demande si elle ira bien. De toute manière, elle retournera à l'hôpital dans deux semaines pour une prise de sang. Elle la reverra certainement après. Et puis, elle lui a promis de toute manière, de l'aider à jouer du violon correctement. Ce qui inclut donc que de son côté, elle devra elle aussi rejouer chez elle. Chose qu'elle n'a pas faite depuis bien longtemps. Elle sourit tendrement, à l'image de cette enfant émerveillée devant son jeu, sous le ciel parsemé d'étoiles petites, grosses, très lumineuses ou peu lumineuses, vertes, rouges, bleues... Elle adore les enfants. Elle adore les faire sourire, les rendre heureux, les protéger, leur faire plaisir. C'est peut-être pour cela qu'elle a choisi d'enseigner le théâtre, au fond.

    Même si Kaede est malade, même si sa maladie risque de s'aggraver à cause de son entêtement, elle pense que le métier qu'elle exerce est merveilleux, et que si elle parvient à nouveau à faire sourire ses élèves, cela vaut le coup de souffrir. La vie est belle, ce n'est pas en restant à l'hôpital pendant des mois qu'elle parviendra à le voir. Et si sa faiblesse vient à se faire savoir dans tout l'établissement, elle risque de perdre son travail, de perdre sa chance de vivre heureuse, et de ne plus être utile à qui que ce soit. Même s'il est vrai que le fait de savoir qu'elle a une embolie pulmonaire l'effraye un peu, il y a tant de choses banales qui suffiront à la faire oublier cela : manger le petit-déjeuner, jouer du théâtre, voir ses élèves, voir des sourires se dessiner, jouer du violon, manger son déjeuner, rentrer chez elle avec Honoka, rêver, boire du thé, dîner, voir son dur labeur porter ses fruits, dormir, se réveiller avec le soleil sur son visage... Toutes ces petites choses suffisent à la rendre heureuse. Peut-être car elle s'est aperçue de leur importance, après avoir pensé frôler la mort.
(c) sweet.lips
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